La constitution d'Oligui fera d'Ali Bongo un juge à vie au Gabon
L'ébauche de la nouvelle constitution du Gabon rendue publique lundi contient cinq pilules empoisonnées qu'il faut à tout prix rejeter.
MAKOKOU — Le projet de constitution proposé par la junte du CTRI qui dirige désormais le Gabon, dévoilé ce lundi par la Primature, représente une menace directe pour l'avenir démocratique du pays. Le peuple gabonais doit impérativement voter contre ce texte lors du référendum prévu en novembre. Voici les raisons majeures pour lesquelles ce projet inique doit être fermement rejeté.
- Ali Bongo nommé juge des élections jusqu'à sa mort
L'article 123 stipule que les anciens présidents deviennent automatiquement membres de la Cour constitutionnelle. Dans le contexte gabonais, cela signifie qu'Ali Bongo, destitué par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) il y a à peine un an, pourra revenir dans la sphère du pouvoir en toute impunité.
Comment peut-on accepter que l'ancien président, dont les abus de pouvoir et la mauvaise gouvernance ont entraîné le Gabon dans une crise profonde, retrouve une position aussi influente ?
En devenant membre de la Cour constitutionnelle, Ali Bongo ne sera pas seulement à l’abri de poursuites judiciaires, mais continuera à vivre aux frais du contribuable.
Imaginez un Gabon où un ancien dirigeant corrompu peut peser sur les décisions constitutionnelles sans avoir à rendre compte de ses actes passés. C'est une trahison claire perpétrée par le général Oligui Nguema et son CTRI à l'encontre du peuple gabonais qui avait applaudi la mise à l'écart d'Ali Bongo.
2. L'exécutif à trois têtes : Une confusion dangereuse
Le nouveau projet de constitution, sous l'impulsion du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, propose une structure du pouvoir exécutif qui comporte désormais trois chefs.
En effet selon l'Article 48, le Gabon aura désormais un président de la République qui est chef de l'État, et en même temps un vice-président nommé par le président. Jusque-là, ça reste familier. Cependant, l'Article 69 crée un poste totalement nouveau et insensé de « vice-président du gouvernement », également nommé, chargé de superviser le gouvernement. Donc le Gabon, pays endetté aura un président assisté de deux vice-présidents sur lesquels les Gabonais auront peu d'influence car ils sont nommés par le chef de l'Etat qui seul a le pouvoir de les limoger.
En fait, c'est même quoi un « vice-président du gouvernement » ? Tout ça c'est pour éviter un scenario où le peuple gabonais pourra élire un Parlement qui va nommer un Premier ministre issu des rangs de l'opposition. L'amour du pouvoir !
3. Service militaire forcé pour les filles : une aberration
L'Article 27 stipule que les jeunes filles devront désormais rejoindre les forces armées. Pour un pays qui n'est pas en guerre avec ses voisins, quelle est la justification de cette mesure draconienne ?
En forçant les jeunes filles à abandonner leurs études et leurs projets personnels pour rejoindre les rangs de l'armée, le Gabon envoie un message dangereux : les ambitions éducatives et professionnelles des jeunes femmes ne sont pas prioritaires. Quel avenir pour ces jeunes, condamnées à être utilisées par un régime militaire qui n'a aucune raison valable de militariser sa population féminine ?
- Amnistie pour les auteurs inconnus du coup d'État de 2023
L'Article 69 accorde une amnistie à « ceux qui ont pris part aux événements » qui ont conduit à la chute d'Ali Bongo. En d'autres termes, les responsables du coup d'État sont protégés de toute poursuite judiciaire.
Or jusqu'ici ni Oligui ni le CTRI n'ont présenté aux Gabonais une liste exhaustive de ceux qui ont facilité la chute du régime Bongo. Ça veut dire qu'un beau jour on pourra annoncer que Marie Madeleine Mbourantsuo a participé au putsch et c'est fini, on oublie tout !
Cette amnistie envoie un signal extrêmement dangereux : les futurs leaders peuvent organiser des coups d'État, renverser des gouvernements, et s'assurer eux-mêmes une impunité totale. Dans une société qui aspire à la justice et à la démocratie, accepter une telle disposition reviendrait à encourager l'instabilité politique et la violence.
5. Confusion sur le cumul des fonctions
Les Articles 70 et 73, qui permettent simultanément aux membres du gouvernement d'être aussi membres du parlement, représentent une grave violation des principes de séparation des pouvoirs. D'un côté, ils autorisent une concentration excessive de pouvoir dans les mains de certains individus, tout en niant cette possibilité pour d'autres.
Ce double langage pseudo-juridique peut mener à une monopolisation du pouvoir par certains acteurs politiques et à l'érosion des contre-pouvoirs essentiels à toute démocratie. Un tel système ouvrira la voie à des conflits d'intérêts permanents, et les décisions prises par ce gouvernement risquent de manquer cruellement de transparence et d'impartialité.
Voter NON au référendum est un devoir
Le Gabon mérite une constitution qui reflète les aspirations de son peuple pour une démocratie véritable, une justice impartiale et une gouvernance transparente. Ce projet de constitution, concocté par le régime militaire du CTRI, ne fait que renforcer les iniques structures de pouvoir existantes, en légitimant l'impunité et en compromettant gravement l'avenir des futures générations.
Toute Gabonaise et tout Gabonais amoureux de son pays doit voter NON au référendum.