Le mini-sommet prévu entre Oligui et Biden menacé par un scandale lié à la Corée du Nord

Le mini-sommet prévu entre Oligui et Biden menacé par un scandale lié à la Corée du Nord
Le général Brice Clotaire Oligui Nguema à l’inauguration de la Stèle de la Libération à Libreville, le 30 août 2024. (Photo: Gabon 24)

Washington veut savoir si le Gabon a payé une société nord-coréenne sous sanctions pour la statue appelée « Stèle de la Libération ».

MÉKAMBO — Selon des sources bien renseignées, une réunion de haut niveau prévue entre le président américain Joe Biden et le président de la transition du Gabon Brice Clotaire Oligui Nguema pourrait être annulée à la dernière minute à cause d'un scandale lié à la Corée du Nord.

Depuis des mois, des préparatifs ont lieu à Libreville et à Washington pour un mini-sommet entre les autorités gabonaises et leurs homologues américains. Les deux parties prévoyaient d'aborder, entre autres centres d'intérêts communs : la poussée militaire de la Chine (et de la Russie) en Afrique centrale, le financement des efforts du Gabon pour la préservation de l'environnement, la facilitation mutuelle des visas pour les étudiants et les hommes d'affaires, le renforcement des institutions démocratiques et la place des femmes et autres minorités dans la société.

La réunion était prévue en marge de l'assemblée générale de l'ONU qui débute à New York la semaine prochaine, mais elle est désormais hypothétique à cause d'un scandale découvert à la dernière minute. De quoi s'agit-il ? Une statue érigée à Nkembo, un quartier de Libreville.

Le CTRI a payé Pyongyang ?

Inaugurée en grande pompe le 30 août 2024 par le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema et d'autres hauts gradés de la junte du CTRI, la « Stèle de la Libération » est une statue qui se veut être un symbole de la « libération » du Gabon par le militaires. Mais les dessous de sa construction posent désormais un sérieux problème.

De source bien informée, le monument aurait été érigé par la société Mansudae, une entreprise nord-coréenne spécialisée dans la réalisation de statues à travers le monde, y compris celle érigée à la gloire de la dynastie Kim à Pyongyang. Or cette entreprise, Mansudae, est inscrite sur la liste noire du Trésor américain, et toute transaction avec elle expose les parties prenantes à des sanctions économiques sévères de la part des États-Unis.

Stèle de la discorde

Depuis son inauguration, la « Stèle de la Libération », qui représente trois hommes debout en posture triomphale, avait déjà essuyé de nombreuses critiques de la part des Gabonais. Certains lui reprochent son style rappelant les monuments de propagande communiste, comme ceux de Mao Zedong en Chine ou Ho Chi Minh au Vietnam.

Statue de Ho Chi Minh à Hanoi, au Vietnam.

D'autres critiques ont souligné un fait flagrant : les figures de la statue ne correspondent pas aux traits typiques des peuples bantous, majoritaires au Gabon. Pour ces critiques, ce monument est plus une œuvre de propagande d'inspiration étrangère qu’un véritable hommage aux citoyens gabonais qui ont libéré notre pays.

Enfin, d'autres jugent hautement problématique qu'il y a trois figures masculines pour représenter les libérateurs du Gabon. Seuls les hommes ont libéré le Gabon ?, s'interroge-t-on. Où sont les femmes, les mères, les sœurs, et les filles qui ont tant contribué à la société gabonaise et continuent de le faire ? Pour ces critiques, la statue du CTRI efface purement et simplement la moitié de la population, qui a pourtant joué un rôle crucial dans la résistance sous le règne des Bongo.

Des conséquences diplomatiques lourdes

Pour l'heure, les enquêteurs américains tentent de déterminer s'il y a eu un paiement direct du Trésor gabonais aux Nord-Coréens ou s'il s'agit plutôt d'une transaction effectuée par un tiers, comme par exemple le cabinet d'architectes assigné à l'ouvrage ou un autre sous-traitant, à l'insu et sans l'autorisation des responsables gabonais.

Si une implication directe du CTRI est confirmée, ce scandale pourrait avoir des conséquences diplomatiques lourdes pour le Gabon. Le général Oligui Nguema et ses alliés pourraient non seulement perdre l'opportunité de rencontrer le président Joe Biden, mais aussi plonger le Gabon dans une crise diplomatique majeure. Washington applique des sanctions strictes à l’encontre de la Corée du Nord et de ses entreprises, et toute collaboration avec elles est perçue comme une violation grave des lois américaines. Pour rappel, les Américains avaient vomi Ali Bongo Ondimba quand ils avaient appris que ce dernier nourrissait le projet de stationner des navires de guerre chinois au large des côtes gabonaises.

Cette affaire soulève de nombreuses questions sur les choix stratégiques de la junte du CTRI, qui, dans son zèle du fanatisme, semble avoir pris des décisions risquant de nuire à ses relations avec des partenaires clés comme les États-Unis. L’annulation possible de la rencontre entre le général Oligui Nguema et Joe Biden pourrait être le premier signe d’une série de répercussions internationales pour Libreville. On croise les doigts.

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