Gabon : la junte annonce la traque des activistes de la diaspora
La chasse des opposants à l’étranger annoncée par la junte est une atteinte à la légalité et à l’éthique.
MINDOUBÉ — La récente déclaration du ministère gabonais de la Justice de la transition annonçant l'émission de mandats d’arrêt internationaux contre des « activistes » vivant à l’étranger, y compris les demandeurs d’asile, est une escalade alarmante de la répression qu'on observe en crescendo depuis l'arrivée au pouvoir par la junte du CTRI menée par le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema.
Cette menace, si elle est menée à exécution, soulève de profondes questions légales, morales et éthiques.
Violation du droit international
La décision de la junte constitue une violation flagrante des conventions internationales relatives aux droits humains, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’article 19 de la Déclaration garantit à chaque individu la liberté d’opinion et d’expression, y compris le droit de critiquer les gouvernants.
Criminaliser l'expression des idées contraires au nom de la « diffamation » va à l’encontre de ces droits. De plus, cibler ceux qui bénéficient du droit d'asile viole la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui interdit expressément aux États de persécuter des individus ayant obtenu un statut protégé en raison de leur opposition politique.
Les mandats d’arrêt internationaux sont conçus pour poursuivre des criminels de guerre, des terroristes ou des auteurs de crimes graves. Leur utilisation pour faire taire des opposants politiques banalise et détourne ces instruments juridiques. Cette manœuvre dénature l’objectif de la justice et envoie un message clair de l’abus de pouvoir de la junte.
La diffamation, en particulier lorsqu’elle cible des responsables publics, ne saurait être traitée comme un crime dans des sociétés démocratiques modernes. Les dirigeants sont tenus de rendre des comptes et doivent être capables de supporter des critiques, même virulentes. Transformer la critique politique en infraction pénale revient à étouffer la liberté d’expression et à instiller la peur au sein de la diaspora.
Les réfugiés et les asyleés sont sous la protection de la communauté internationale en vertu de traités et de lois bien établis. En les qualifiant de « diffamateurs » pour leur activisme, la junte menace directement leur sécurité et leur droit à la protection. L’utilisation des mandats d’arrêt internationaux dans ce contexte crée un dangereux précédent qui pourrait affaiblir le système d’asile mondial.
Manque de légitimité de la junte à l'international
La junte gabonaise, étant issue d’un coup d’État, souffre d’un déficit de légitimité aux yeux de la communauté internationale. Ses actions, y compris la répression des opposants, ne font qu’aggraver son isolement. Lancer des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de réfugiés et des demandeurs d'asile constitue une tentative grossière d’imposer son autorité en dehors de ses frontières, tout en ignorant les normes juridiques et diplomatiques internationales.
Il est impératif que les organisations internationales, y compris les Nations unies, les organisations de défense des droits humains et les gouvernements démocratiques, condamnent fermement cette démarche. La liberté d’expression et la protection des réfugiés ne doivent pas être sacrifiées sur les sur l'autel de la répression politique.
La diaspora gabonaise joue un rôle crucial dans la lutte pour la démocratie et les droits humains au Gabon. En tentant de réprimer cette voix, la junte montre son refus d’accepter toute forme de dissidence. La lutte pour la liberté et la justice doit se poursuivre, et les Gabonais de l’étranger doivent être protégés contre ces abus de pouvoir.