Oligui libère Sylvia Bongo et torpille la justice gabonaise

Oligui libère Sylvia Bongo et torpille la justice gabonaise
De g. à dr.: l'ex-président Ali Bongo Ondimba, sa femme Sylvia, deux officiers et Brice Clotaire Oligui Nguema.

L'ex-Première dame méritait d'être entendue devant un tribunal impartial. Faute de quoi elle sera à jamais condamnée dans l'imaginaire collectif, à tort ou à raison.

MITZIC - La libération unilatérale de l'ancienne Première Dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba, ce samedi 10 mai représente un affront flagrant aux principes fondamentaux de justice et d'équité. Cette décision du général-président Brice Clotaire Oligui Nguema constitue non seulement une rupture avec les promesses de transparence et de responsabilité, mais aussi une trahison envers le peuple gabonais qui exigeait légitimement des comptes.

Nous nous abstiendrons ici de contribuer aux spéculations selon lesquelles le président aurait libéré Mme Bongo Ondimba parce qu'il savait qu'elle ne pourrait être reconnue coupable de falsification de la signature de son mari sans impliquer le général lui-même, qui a été nommé à son poste sous cette même signature contestée. Toutefois, cette coïncidence troublante soulève des questions légitimes sur les motivations réelles derrière cette libération précipitée et sur les conflits d'intérêts potentiels qui pourraient compromettre l'intégrité de cette décision.

Déni de justice

Accusée de fraude à haut niveau s'apparentant à la trahison, de détournement de fonds publics et d'association de malfaiteurs, Mme Bongo Ondimba a été au cœur d'un scandale qui a ébranlé les fondements mêmes de l'État gabonais. Ces accusations, d'une gravité exceptionnelle, méritaient un examen approfondi et transparent devant un tribunal impartial. Le peuple gabonais avait le droit inaliénable de connaître la vérité sur ces allégations qui ont contribué à l'appauvrissement systématique du pays pendant des années.

Cette libération précipitée soulève des questions troublantes sur l'indépendance du système judiciaire gabonais. En court-circuitant le processus judiciaire, le général-président Oligui Nguema brise littéralement la nuque de la justice gabonaise. Il démontre ainsi que le pouvoir exécutif peut, à sa guise, intervenir dans les affaires judiciaires lorsque cela sert ses intérêts politiques. Cette ingérence constitue une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs, pilier essentiel de tout État de droit.

Sylvia Bongo à jamais condamnée dans l'imaginaire populaire

Paradoxalement, cette décision ne fait que perpétuer l'injustice qu'elle prétend peut-être résoudre. D'une part, Sylvia Bongo Ondimba avait été détenue bien au-delà des limites légales autorisées, ce qui constituait déjà une violation de ses droits fondamentaux. D'autre part, sa libération sans procès la prive désormais à jamais de l'opportunité de laver son nom devant un tribunal. Elle restera, dans l'esprit de nombreux Gabonais, éternellement coupable des accusations portées contre elle sans avoir eu la possibilité de se défendre publiquement.

Cette situation crée un précédent dangereux. Elle suggère que les élites politiques peuvent échapper à la justice, tandis que les citoyens ordinaires restent soumis à la rigueur de la loi. Elle alimente le cynisme d'une population déjà profondément désabusée par des décennies de gouvernance opaque et de détournement des ressources nationales.

Le Gabon méritait mieux. Il méritait un procès équitable, transparent et conforme aux normes internationales de justice. Il méritait une occasion de confronter son passé pour mieux construire son avenir. Au lieu de cela, le pays se retrouve face à une occasion manquée, une justice déniée non seulement à l'accusée mais à l'ensemble de la nation.

Cette affaire nous rappelle que la justice ne se résume pas simplement à punir les coupables. Elle consiste également à établir la vérité, à permettre la réparation et à faciliter la réconciliation nationale. En privant le Gabon de ce processus, la décision du général-président compromet les perspectives de guérison collective et de renouveau démocratique.

Perpétuation du cycle d'impunité

La libération de Sylvia Bongo Ondimba sans procès n'est pas un acte de clémence mais une forme subtile de déni de justice. Elle perpétue un cycle d'impunité qui a trop longtemps caractérisé la gouvernance gabonaise. Pour que le Gabon puisse véritablement tourner la page de son passé troublé, il doit embrasser les principes d'une justice équitable, transparente et accessible à tous, indépendamment du statut ou des connexions politiques.

Le peuple gabonais mérite des institutions judiciaires fortes et indépendantes qui puissent tenir les puissants responsables de leurs actes. Sans cela, les promesses de changement et de renouveau resteront de simples paroles creuses, et la confiance déjà fragile dans les institutions publiques continuera de s'éroder.