Oligui se déclare élu, le Gabon perd sa dignité

Le score de 90,35% ne reflète pas une adhésion populaire mais trahit plutôt les manipulations d'un système électoral contrôlé de bout en bout.
MINVOUL—L'annonce est tombée ce dimanche comme un couperet sur les maigres espoirs de démocratie au Gabon : le général Brice Clotaire Oligui Nguema, leader du coup d'État d'août 2023, a "remporté" l'élection présidentielle de samedi avec le score stupéfiant de 90,35%. Un résultat qui, loin d'inspirer confiance, soulève de graves questions sur la légitimité du processus électoral dans ce pays d'Afrique centrale.
Un score qui défie la logique
Oligui s'est octroyé 90,35% des suffrages. Un tel score écrasant appartient davantage au répertoire des régimes autoritaires qu'à celui des démocraties fonctionnelles. Dans un pays où les divisions politiques sont réelles et où l'opposition a toujours existé malgré les difficultés, un résultat aussi unanime est tout simplement impossible dans un contexte d'élections libres et équitables.
Ce chiffre rappelle tristement les "plébiscites" des républiques soviétiques ou les réélections des dictateurs qui s'accrochent au pouvoir pendant des décennies. Il ne reflète pas une adhésion populaire mais trahit plutôt les manipulations d'un système électoral entièrement contrôlé.
Un choix illusoire
La victoire d'Oligui Nguema était prévisible bien avant le jour du scrutin, non pas en raison de sa popularité mais parce qu'il avait méthodiquement éliminé toute concurrence sérieuse par le biais de règles d'éligibilité alambiquées et arbitraires. Ces restrictions, présentées comme des "garanties" pour la stabilité politique, n'étaient en réalité qu'un moyen de disqualifier les candidats susceptibles de remettre en question son pouvoir.
Parmi ces règles figuraient des exigences de résidence impossibles à satisfaire pour les opposants en exil (3 ans de résidence au Gabon), des critères financiers prohibitifs (caution de 30 millions de FCFA), et des vérifications de la nationalité des parents des candidats... Au final, les électeurs se sont donc retrouvés face à un choix ridicule : voter pour Oligui Nguema ou pour Alain Claude Bilie By Nze, le dernier Premier ministre d'Ali Bongo. La peste ou le choléra.
De la junte militaire à la "légitimité" électorale
En août 2023, le général Oligui Nguema renversait le président Ali Bongo, mettant fin à plus de cinquante ans de règne familial. Beaucoup de Gabonais avaient alors espéré un véritable changement, une transition vers une démocratie plus authentique. Certains avaient même applaudi ce coup d'État, le considérant comme une libération.
Moins de deux ans plus tard, les espoirs se sont évanouis. Le général putschiste a simplement remplacé un système autoritaire par un autre, utilisant les mêmes mécanismes de contrôle politique tout en y ajoutant la force brute du pouvoir militaire. L'élection de samedi n'était qu'une tentative de légitimation internationale d'un pouvoir acquis par la force.
Les observateurs internationaux en question
Malgré les irrégularités flagrantes, certaines missions d'observation électorale ont fait preuve d'une retenue diplomatique troublante dans leurs déclarations. Cette prudence excessive, motivée par des intérêts géopolitiques et économiques, ne fait que conforter le régime dans sa stratégie de façade démocratique.
Les ressources naturelles du Gabon, notamment le pétrole et le bois, continuent d'attirer des investisseurs internationaux peu regardants sur les questions de gouvernance, créant ainsi une complicité tacite avec le régime en place.
L'histoire se répète
L'histoire du Gabon semble condamnée à se répéter : un pouvoir autoritaire remplace un autre, les promesses de changement s'évaporent, et la population se retrouve spectateur impuissant de sa propre destinée politique.
Ce cycle de désillusion alimente déjà les rumeurs et les tensions au sein même de l'appareil militaire. Des sources fiables font état de divisions croissantes parmi les officiers, certains s'estimant écartés des fruits du pouvoir, d'autres sincèrement déçus par la trahison des idéaux initialement proclamés lors du coup d'État.
Le prochain chapitre s'écrit déjà
Les murmures dans les casernes, les tensions ethniques réactivées, et le mécontentement populaire grandissant face aux promesses non tenues constituent un cocktail explosif. Les signes sont là pour qui sait les lire : un nouveau coup d'État est déjà en gestation pour déposer celui qui vient de s'autoproclamer président "élu".