Plainte de Mengara : la Cour maintient de justesse Oligui Nguema au pouvoir
La plus haute instance de la justice gabonaise continue de mériter son surnom tristement célèbre : la Tour de Pise.
MELEN — La Cour constitutionnelle du Gabon vient de rejeter, sur des motifs purement procéduraux, la contestation du professeur Daniel Mengara et de cinq autres citoyens concernant la légalité de la sélection du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema en tant que président de la transition. Un véritable camouflet pour l’État de droit.
Pour rappel, dans leur requête introduite le 21 août 2024, Dr. Mengara et ses alliés avaient évoqué un point crucial : le général Oligui Nguema avait été désigné comme président de la transition de manière secrète, de nuit, une procédure qui, selon eux, va à l'encontre des Articles 35 et 38 de la Charte de la Transition.
L'Article 38 stipule que « tout Gabonais, civil ou militaire », peut être candidat à la présidence de la transition, tandis que l'Article 35 exige que la transition soit conduite conformément à l'État de droit.
Ainsi, selon les plaignants, un appel à candidatures aurait dû être lancé publiquement avant la désignation du président de la transition.
Tour de Pise et repetita
La réaction de la Cour constitutionnelle ? Elle a tout simplement refusé de se pencher sur le fond de l’affaire. Les juges ont plutôt choisi la voie facile : ils ont déclaré que la Cour n’avait pas compétence pour statuer sur des événements qui se sont déroulés avant sa mise en place.
Une échappatoire commode, mais qui ne fait qu’aggraver la frustration des Gabonais qui cherchent désespérément une justice équitable. En choisissant de statuer cette question uniquement sur des bases procédurales, la Cour a implicitement reconnu que Daniel Mengara et ses co-requérants avaient raison sur le fond juridique.
Car si l’argument de la procédure est le seul rempart, cela montre bien que sur le terrain légal, il n’y a rien à opposer aux arguments des plaignants dans le fond.
Une fois de plus, cette décision démontre la profondeur du dysfonctionnement de la justice gabonaise, qui continue de mériter son surnom tristement célèbre : la Tour de Pise, toujours inclinée du côté du pouvoir en place.
Pourtant, en 2020, la justice du Malawi avait annulé l’élection du président Peter Mutharika et ordonné un nouveau scrutin. En quoi le Gabon est-il différent de cet autre peuple bantou ?
Solutions alternatives pour contourner la Cour
Face à cette décision décevante de la Cour constitutionnelle du Gabon, les alternatives qui restent à Daniel Mengara et à l'opposition gabonaise sont certes limitées, mais elles méritent d'être explorés.
Mobilisation populaire
Lorsque les institutions échouent à rendre une justice équitable, la mobilisation citoyenne peut devenir un levier de pression. Des manifestations pacifiques, des campagnes de sensibilisation, et des mouvements sociaux peuvent forcer le pouvoir à réagir et à revoir certaines décisions. Cependant, cela implique un réel risque dans un régime autoritaire où les libertés d'expression et de rassemblement sont souvent réprimées.
Plaintes internationales
Comme la justice gabonaise ne permet pas d'obtenir satisfaction, l'opposition pourrait se tourner vers des instances internationales. Des recours devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ou encore auprès de l'Union africaine pourraient être envisagés, bien que ces instances n’aient qu’un pouvoir limité sur les affaires internes des États.
Pression diplomatique
L’opposition pourrait également chercher le soutien de la communauté internationale. Les partenaires régionaux et internationaux du Gabon, notamment l’Union européenne, les États-Unis, et les institutions telles que l’ONU, pourraient être appelés à condamner cette parodie de justice et à faire pression sur le régime en place pour qu’il respecte les principes démocratiques et l’État de droit.
Renforcer l’unité de l’opposition
Une autre alternative est de renforcer la cohésion au sein de l'opposition gabonaise. Une opposition fragmentée est plus facilement écrasée par le pouvoir en place. En créant un front uni, l’opposition pourrait gagner en crédibilité, en force politique et en légitimité, tant à l’intérieur du pays qu’auprès de la communauté internationale.
Cela dit, la réalité est que, tant que le système judiciaire reste sous la coupe du pouvoir, les chances d'obtenir une victoire par des voies légales internes sont minces. C'est pourquoi la combinaison de la pression populaire, d'une unité d'opposition renforcée et d'une mobilisation internationale pourrait être le chemin le plus prometteur pour faire évoluer la situation.