Procès des Bongo : Oligui pris à son propre piège de l'arbitraire

Après avoir rejeté l'idée d'une commission vérité, justice, réparation et réconciliation, le régime d'Oligui paie le prix de l'impunité.
MINVOUL—En 2023, dans l’euphorie qui suivait la chute brutale du régime Bongo, les Gabonais espéraient enfin voir émerger une justice réparatrice et équitable. Une large frange de la société civile appelait à la mise en place d’une commission vérité, justice, réparation et réconciliation, inspirée du modèle sud-africain, ou encore des tribunaux populaires de type Gacaca au Rwanda, afin de solder les comptes du passé tout en évitant les règlements de comptes politisés.
Mais le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), alors fraîchement installé au pouvoir, refusa catégoriquement. La porte-parole du gouvernement putschiste, Laurence Ndong, fut particulièrement tranchante, déclarant haut et fort : « Il n'y aura pas de chasse aux sorcières ! » Une phrase qui, in fine, avait pour objectif d’écarter l'idée de toute forme de redevabilité.
Deux ans plus tard, en 2025, cette prise de position tranchée et somme toute arbitraire revient hanter le régime Oligui Nguema.
Une plainte explosive en France
Désormais exilée en France par la seule volonté du général-président, la famille Bongo a porté plainte contre l’État gabonais pour détention arbitraire, torture et traitements dégradants.
Et contrairement aux nombreuses accusations souvent non étayées dans les joutes politiques africaines, cette fois, des preuves accablantes ont été versées au dossier. Parmi elles : des vidéos secrètes montrant une juge gabonaise avouant avoir reçu des ordres directs du palais présidentiel pour condamner les prévenus sans tenir compte des preuves.
Le choc est immense à Libreville. Une révélation qui remet brutalement en question la séparation des pouvoirs, et expose au grand jour une justice instrumentalisée, loin des idéaux proclamés lors de la prise de pouvoir par Oligui Nguema.
La panique au sommet
Face à cette crise, le régime d'Oligui Nguema vacille. Certains proches du général appellent désormais à traduire la juge en justice, espérant faire diversion en la présentant comme une brebis galeuse.
D’autres, plus cyniques, assument pleinement les abus : selon eux, les Bongos ne font que récolter ce qu’ils ont semé pendant les décennies de règne autoritaire de leur famille. « Retour à l'envoyeur », murmurent-ils, oubliant que la justice ne se rend pas par vengeance.
Mais ce chaos institutionnel trouve sa source dans une décision politique fondamentale : celle de refuser de juger les Bongo sur le sol gabonais, dans le cadre d’un procès transparent, équitable et encadré par des mécanismes acceptés par toutes les parties.
En les relâchant discrètement, de nuit, sans jugement, le général Oligui Nguema a perdu une occasion historique d’instaurer une justice fondatrice. Pire : il a donné aux anciens maîtres du pays les armes juridiques pour le poursuivre à l’international.
Le prix de l’impunité
Aujourd’hui, le régime PDG-CTRI se retrouve piégé par son propre choix de l’impunité. En évitant la justice transitionnelle, en refusant tout débat sur ce sujet lors du dialogue national, en écartant la réconciliation comme faiblesse, le CTRI-PDG a ouvert un boulevard à la revanche des anciens.
Ce ne sont pas les actes de torture présumés — pourtant graves — qui mettent aujourd’hui le pouvoir en difficulté, mais l’absence de cadre légal pour les traiter. En renonçant à la justice, Oligui Nguema a laissé la place au chaos, à la manipulation judiciaire, et à la perte totale de légitimité.
En fin de compte, ce ne sont pas les sorciers qu’il fallait chasser, mais les démons de l’impunité. Ceux-là reviennent toujours, et ils sont aujourd’hui aux portes du palais. Oligui doit tomber.