Violences à Port Gentil : pourquoi le CTRI refuse d’impliquer les mamans ?
Aucune femme n'était présente parmi les 10 officiels qui se sont pointés devant les caméras pour répondre à la violence parmi les jeunes. Échec programmé.
MOABI — Lors de la sortie officielle des autorités provinciales en réponse à la flambée de violence des jeunes dans la capitale économique du Gabon, Port-Gentil, tout observateur averti a noté un fait singulier : aucune femme n'était présente parmi les 10 commis de l’État qui se sont pointés devant les caméras.
Disons-nous les vérités cash: en pays bantou, ce sont les mamans qui jouent le plus grand rôle pour élever les enfants. Comment donc expliquer leur absence dans un moment de crise aussi important?
Le CTRI doit comprendre que la violence parmi les jeunes est un problème sociétal complexe et une réponse militarisée n’ira nulle part. Il faut commencer par investir dans le tissu familial et mettre les mamans devant.
L’approche du CTRI, qui s’apparente à une tactique digne d’un film de cow-boys, est à la fois simpliste et inefficace.
Comment espérer trouver des solutions pérennes adaptées si la moitié de la population n'est pas représentée dans les instances de décision ?
En effet, le véritable problème est d'ordre social, et non sécuritaire. La solution ne réside donc pas dans une répression armée, mais dans le renforcement des familles et de la communauté.
De nombreux analystes soulignent que l'un des principaux obstacles à la discipline familiale est le rôle que jouent certains jeunes dans l'économie familiale.
On peut citer par exemple Jude Bertrand Mekame Mba, qui observe dans un live sur Facebook que les parents des jeunes impliqués dans cette spirale de violence se taisent parce qu’ils reconnaissent que leur famille survit grâce au braquage perpétré par tel ou tel fils.
Bien avant lui, c’est bien un fils de Port-Gentil, Messir Nnah Ndong, qui tirait déjà l’alarme sur l’absence d’opportunités pour les jeunes. Il déplorait, entre autres, l’absence de boulots, le manque d’infrastructures de divertissement, et le sentiment partagé que les Migovéens subventionnent le bien-être des autres provinces sans recevoir grand-chose en retour. Messir avait raison.
Affiliés à des gangs, ces jeunes sont souvent les principaux pourvoyeurs de revenus pour leurs familles, rendant difficile, voire impossible, toute tentative de contrôle parental.
C'est donc un cercle vicieux : la pauvreté pousse ces jeunes vers la délinquance, et la délinquance devient une nécessité économique pour leurs proches.
Penser qu’un tel défi peut être résolu par la force militaire relève de l’inconscience.
La véritable solution à cette crise est multifacette : création d'emplois pour les jeunes, octroi de bourses d'études et de stages, mise en place de programmes de police communautaire centrés sur les jeunes, et, surtout, une implication active des parents, surtout les mamans.
Ce n'est qu'en abordant ces différents aspects que l'on pourra espérer un changement durable.
A quoi bon maintenir un couvre-feu ?
Enfin, on ne peut s'empêcher de s'interroger, non sans ironie, sur l'utilité réelle du couvre-feu imposé par le CTRI depuis un an : quel impact a-t-il eu jusqu'à présent, sinon de limiter la liberté de mouvement de citoyens déjà éprouvés par la vie chère et la violence ?
Cette mesure, bien que décidée dans l'urgence, semble avoir échoué dans sa mission première. Il est temps de lever le couvre-feu et de repenser entièrement notre approche face à la crise sécuritaire, en mettant l'accent sur la prévention et l'inclusion plutôt que sur la répression.
En fin de compte, ces solutions alternatives nécessitent une approche coordonnée impliquant à la fois les familles (surtout les mamans), les autorités provinciales, les organisations locales de la société civile, et le gouvernement central depuis Libreville. Ce n'est qu'en agissant sur plusieurs fronts que l'on pourra espérer une réduction durable de la violence à Port-Gentil et à travers le pays.