Zéro justice : Oligui permet à Sylvia Bongo de s'exiler en Angola

Pourtant les Gabonais ne réclamaient ni vengeance ni violence ; ils voulaient seulement une commission vérité, justice, réparation et réconciliation.
MANDJI— L’Histoire retiendra cette date, vendredi 16 mai 2025, non pas comme celle d’un tournant vers la justice, mais comme une trahison ultime. Sous couvert d’un accord opaque facilité par l’Angola, et avec la bénédiction du général-président Brice Clotaire Oligui Nguema, l’ancien dictateur Ali Bongo Ondimba et son épouse Sylvia Bongo ont été exfiltrés du Gabon. Loin des regards, loin de la justice, ils échapperont à jamais au jugement du peuple qu’ils ont méprisé et martyrisé pendant des décennies. La nouvelle a été relayée par le quotidien angolais Novo Jornal, photos à l'appui.
Ce départ organisé n’est pas seulement une humiliation nationale. C’est une gifle donnée à toutes les familles broyées par un régime de prédation, d’arrogance et d’impunité. Ce couple, qui incarnait la confiscation du pouvoir et la privatisation de l’État, ne répondra jamais de ses actes. Mme Bongo, arrêtée après le coup d’État d’août 2023 et inculpée de crimes graves, notamment de faux et usage de faux au nom même du président, retrouve aujourd’hui sa liberté dans le silence complice des autorités gabonaises.
L'impossible réconciliation
Et pourtant, le peuple gabonais ne réclamait ni vengeance ni violence. Il voulait, à l’image de l’Afrique du Sud post-apartheid, un processus sincère de vérité, de justice, de réparation et de réconciliation. Il voulait comprendre, entendre, se souvenir – non pour se venger, mais pour guérir. Cette aspiration noble et courageuse a été bafouée, étouffée sous le poids des arrangements entre puissants, loin de l’œil du citoyen.
Ce que nous vivons est une mascarade. Le régime d’Oligui Nguema, né dans la promesse de rupture, se révèle être une continuité maquillée de l’ancien ordre. En refusant au peuple son droit légitime à la vérité, ce régime s’est disqualifié. Il a choisi la stabilité des élites au lieu de la justice populaire. Il a préféré le silence des oppresseurs à la voix des opprimés.
Non, les Gabonais ne seront jamais indemnisés pour les années de douleur, pour les rêves confisqués, pour les jeunes laissés pour compte, pour les hôpitaux sans médicaments, pour les écoles délabrées, pour la démocratie avortée. La plaie restera ouverte, purulente, tant que la vérité n’aura pas été dite, tant que la justice ne sera pas rendue.
Pour cela, le régime d’Oligui Nguema doit tomber. Il ne peut incarner l’avenir s’il protège le passé. Il ne peut réclamer la légitimité populaire s’il la piétine ainsi. L’exfiltration des Bongo n’est pas une fin, mais un nouveau commencement pour une lutte plus déterminée. Celle d’un peuple qui refuse l’oubli. Qui exige des comptes. Qui n’aura pas de repos tant que la vérité ne sera pas dite, et la justice faite.
Car sans justice, il n’y a pas de paix. Et sans mémoire, il n’y a pas d’avenir.